Imaginez une quinzaine de personnages féminins tchekhoviens réunis en une seule pièce, incarnés par une seule et unique femme ? Le défi que relève Catherine Aymerie est celui d’écrire et d’interpréter un texte faisant se rencontrer ces femmes d’exception, omniprésentes dans l’œuvre de Tchekhov, comme autant de diamants bruts qui ne demandent qu’à être trouvés, travaillés, taillés, polis, admirés…
Une scène noire, vide. Des murmures se font soudain entendre, une femme nous confie une histoire… C’est une mère, puis une jeune fille, puis une future mariée. C’est une femme qui déborde de joie, puis une autre qui sombre dans la tristesse… C’est une femme adultère, puis une femme trahie par son époux, une autre qui s’inquiète pour son fils, une qui rêve de voyager ou une qui s’ennuie…
La comédienne tout de blanc vêtue, la bague au doigt et pieds nus, interprète sous nos yeux une série de rôles très différents, se faisant se rencontrer des personnalités de tous âges, de toutes époques, à toutes saisons et dans tous leurs états. Elle incarne, témoigne, décrit le parcours d’Irina, des Trois Sœurs, d’Anna, d’Ivanov, d’Ania, de la Cerisaie, de Sonia, de l’Oncle Vanja, ou encore de Nina, de la Mouette… Toutes ces femmes semblent entrer dans le corps de la comédienne, la possédant, s’y heurtant avant de s’entremêler, laissant les sentiments et émotions déborder sur scène.
Le texte semble nous dévoiler les non-dits de Tchekhov, par le biais de ces femmes qui parsèment son œuvre d’émotions, variant entre la panique, l’excitation, le désespoir et la passion… La mise en scène choisie entraine le spectateur dans l’imagination, la comédienne flânant entre description et interprétation, lisant les didascalies puis se plongeant dans les personnages. Pour décor, de simples halots de lumières et un fauteuil pour compagnon ponctuel.
Quelques musiques appuient le jeu déjà très fort de la comédienne, comme pour illustrer ce que ces femmes ressentent. Mais l’interprétation suffit à nous transmettre l’empathie que semblent rechercher ces femmes, elles veulent qu’on les comprenne, qu’on leur laisse la parole. Ces personnages omniprésents et pourtant peu décrits dans les drames de Tchekhov prennent ici la première place.
L’entreprise originale de Catherine Aymerie de réunir toutes ces femmes est un succès. On fait le tour de la question en une pièce qui est loin d’être un simple monologue, qui nous offre à voir “la” femme de Tchekhov dans son intimité. Cette pièce nous raconte des moments de vie que toute femme est susceptible de rencontrer. C’est un flot de sentiments, de sensibilité qui se déverse par le biais de ces personnages de la littérature russe. D’un ton juste et entrainant, Catherine Aymerie nous emporte dans des histoires diverses, qui se croisent, se rencontrent, se partagent avec le public.
Femme de Tchekhov
de Catherine Aymerie d’après Anton Tchekhov
Mise en scène : Paula Brunet Sancho
Avec : Catherine Aymerie
Dramaturgie : Catherine Aymerie et Paula Brunet Sancho
Lumières : Jean-Louis Martineau
Bande sonore : Dragan Nedeljkovic
Scénographie : Sandrine Lamblin
Costume : Mathilde Baillet
Régie : Pascal Moulin et Stephan Bergé
Production : Compagnie Théâtre de la Rencontre, co-réalisation Théâtre Darius Milhaud
Publié le 27 octobre 2009
https://www.ruedutheatre.eu/article/578/femme-de-tchekhov/
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