L’art d’accorder les désaccords



Un scientifique et un mannequin sont sur une île déserte. Ca commence comme une blague, et il est clair que cette situation mène à des scènes cocasses. Mais au delà de cette ironie du sort, il est question ici d’un mariage forcé entre deux êtres que tout oppose, qui vont avoir besoin l’un de l’autre et qui vont devoir apprendre à se connaître et pourquoi pas… à s’aimer ?

Robert est naufragé depuis 12 ans, perdu sur cette île déserte alors qu’il était sur le point de décrocher ce prix scientifique qu’il attendait tant… Les vagues lui amènent une nouveauté de taille : un mannequin aussi belle et vide que les plages qu’il fréquente depuis si longtemps. Elle ne lui donne aucune nouvelle du continent, elle n’en a aucune idée… « Le prix de quoi ? Je n’ai jamais payé ! Le président ? Je ne m’y sui jamais intéressée ! »
De son côté, il fait un bien piètre hôte… Il ne prête aucune attention à sa nouvelle compagne de galère, n’est d’aucun soutien moral, comme si la solitude lui avait fait perdre toute sociabilité…

Nicolas Vaude joue la folie avec une justesse ahurissante. Ni trop caricaturée, ni trop discrète, il est juste « bizarre ». Normal… Quelle serait votre attitude si vous étiez privé de contact humain pendant 12 ans et qu’ensuite vous étiez forcé de cohabiter avec quelqu’un ? Et comment seriez-vous si vous étiez une femme pourrie gâtée, privée de tout du jour au lendemain ? Oui, ils ont du mal à se supporter mais contrairement à ce que dit le proverbe, mieux vaut être mal accompagné que seul pour le restant de ses jours, et finalement « ça va ».

Thierry Harcourt nous présente, avec une mise en scène très réussie, ce magnifique couple forcé. Abandonnés sur cette île et cette scène presque vide, ils ont merveilleusement bien travaillé leurs personnages pour nous livrer des scènes et des dialogues formidables, où l’absurde s’épanouit naturellement. Ils comblent le vide de leurs journées et trouvent réconfort en s’amusant à s’inventer et se remémorer leurs vies perdues.

Un travail remarquable qui manque cependant d’un petit quelque chose qui ferait monter encore plus la sauce… Un drame, une tragédie, une désespérance… Mais aucun sentiment fort et extrême ne vient se mêler à cette horrible situation qui termine sur une pointe doucement positive.

L’Île de Vénus
de Gilles Costaz
Mise en scène : Thierry Harcourt
Avec : Julie Debazac et Nicolas Vaude
Assistant mise en scène : Stéphanie Froeliger
Lumières : Jacques Rouveyrollis et Jessica Duclos
Création sonore : Stéphane Neville
Graphisme : Jérémie Rone
Régie générale : Gionata Mecchia
Durée : 1h15
Photo : © Emile Zeizig

Publié le 26 juillet 2013
https://www.ruedutheatre.eu/article/2200/l-ile-de-venus/