La douce violence de la raison


Pour cette tant attendue rentrée au théâtre des Célestins, Claudia Stavisky, sa directrice, a vu les choses en grand. Elle s’attaque au texte de Bertold Brecht avec un Galilée interprété par le charismatique Philippe Torreton. Une mise en scène et des paroles profondes qui semblent résonner dans notre actualité.


Nous sommes au début du XVIIe siècle, à cette époque où les navigateurs élargissent nos horizons en découvrant de nouveaux continents, mais où l’on pense encore que la Terre est au centre du monde. Galilée est un scientifique reconnu, mais voilà un moment qu’il ne fait qu’enseigner et n’a plus les fonds nécessaires à sa recherche. Il copie alors l’invention hollandaise de la longue vue et la présente triomphant aux dirigeants d’Italie qui y voient un avantage considérable sur leurs ennemis. Galilée lui réserve un usage bien plus poussé : celui de l’observation de la voie lactée.

Détenteur d’une vérité scientifique dont la preuve ne peut être dévoilée au grand jour, Galilée se battra pendant près de quarante ans pour détruire le fondement de cette société qui s’appuie encore sur les théories d’Aristote et de Ptolémée. Certain que la Terre tourne autour du soleil, il tente des années durant d’étayer la théorie copernicienne, en vain. Il ira jusqu’à renier ses découvertes pour échapper aux autorités et poursuivre son travail jusqu’à la fin. Ce faux aveu lui vaudra le rejet de ses amis et disciples, mais lui permettra de se dédier à un autre sujet de taille : le mouvement et ses propriétés.

Quelques éléments de décors seulement ont été utilisés pour créer un univers scénique épuré et moderne. Les lumières percent au travers de fenêtres étroites, générant une impression de vide et de froid. A l’image de cet endroit aux tons industriels, avec ses murs de briques et ses portes métalliques, les costumes sont intemporels. Claudia Stavisky a en effet parsemé cette scénographie de clins d’oeils anachroniques discrets. Ils font échos à la période où écrit Brecht, mais répondent aussi au souhait de projeter cette vie et cette quête sur nos temps modernes.

Plongée dans “l’ultra contemporain”

La vie de Galilée décrit le combat d’un homme certain que ce qui est admis par le plus grand nombre et soutenu par les dirigeants n’est pas la stricte réalité. Mais reconnaître publiquement le fondement de cette théorie reviendrait à remettre en question les piliers de la connaissance.

Le parallèle est fait avec “l’aveuglement qui pousse aujourd’hui nos dirigeants à ne pas prendre les mesures à la hauteur de l’urgence écologique à laquelle nous faisons face”. Claudia Stavisky nous offre toute son expérience et son engagement au travers de sa mise en scène. Cette œuvre titanesque (quarante personnages, près de trois heures de spectacle) fut la dernière écrite par Brecht, et la dernière mise en scène par Antoine Vitez. Une prise de risque et un défi de taille relevés avec élégance !

_____________

Publié le 21 octobre 2020 : http://ruedutheatre.eu/article/4309/la-vie-de-galilee/

La vie de Galilée
de Bertold Brecht
Mise en scène : Claudia Stavisky

Avec : Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton

Photo : © Simon Gosselin