Douces marionnettes et obscurs dessins


© Jean-Pierre Maurin

La compagnie Handspring Puppet Company et l’artiste William Kentridge nous proposent le souvenir de l’épopée poétique d’Ulysse qui se meurt. Ils nous font revivre le retour auprès de sa Pénélope de ce héros légendaire absent pendant deux décennies. Un moment d’opéra d’une douceur sans pareille, avec des marionnettes aux airs fantomatiques, et des illustrations au fusain comme décor d’un fond d’histoire obscur.
Ulysse est dans son lit de mort, entouré des chanteurs du Studio de l’Opéra de Lyon qui accompagnent les marionnettistes dans la mise en vie de ces personnages en bois brut. Ils s’échangent des regards avant de débuter la fable que tout le monde connaît. Accompagné par la Fortune, l’Amour, le Temps et la Fragilité humaine, le personnage d’Ulysse oscille entre ses démons intérieurs, ses craintes et sa certitude d’arriver à ses fins.

Pénélope de son côté est à la fois désespérée, suppliant son époux de revenir, et en colère de s’entendre dire qu’elle devrait abandonner cet espoir et laisser son coeur s’ouvrir à d’autres perspectives que l’attente. Mais comment rouvrir un coeur meurtri par l’Amour ?

On y retrouve son subterfuge de la toile tissée et démontée dans la nuit, et le bal de ses prétendants à qui elle propose le défi de bander l’arc d’Ulysse que lui seul sait manier. Minerve conseille à Ulysse de revêtir un costume de vieux mendiant pour retourner à Ithaque. Il y rencontre un paysan qui l’aidera à atteindre son but, puis son fils Télémaque, avant de retrouver sa bien aimée lors d’un concours pour sa propre couronne.

“L’Amour est le sel de la vie”

Musiciens sur scène disposés en arc de cercle, rappelant l’amphithéâtre grec, rythment ces deux heures de spectacle avec une fluidité légère et agréable. Derrière eux, un écran nous passe tour à tour des images d’échographies, des gros plans d’opérations, des photographies et vidéos de bâtiments détruits, de nature qui refleurit au fur et à mesure qu’Ulysse se rapproche de son but. Les constructions se redressent, les dessins défilent créant un chemin au travers de la campagne.

Ces illustrations réalisées par l’artiste sud africain William Kentridge viennent appuyer les émotions des protagonistes. Une toile de fond qui représentent aussi les visions d’un Ulysse sur son lit de mort, entre souvenir et délire.

“Tout départ est lié à un désir de retour”

Centré sur le couple Pénélope et Ulysse, cet opéra nous rappelle un conte qui a séparé 20 ans ce couple légendaire. Une fidélité à toute épreuve d’un côté, une détermination sans fin de l’autre, où le temps ne semble pas pouvoir briser le bouclier de l’amour.

Les marionnettistes et acteurs lyriques sont au service de ces personnages à qui ils donnent vie. Ne les quittant jamais des yeux, ils leur transmettent leurs sentiments, les interprètent avec une justesse douce et tendre. Une version condensée de l’oeuvre de Monteverdi, et un défi relevé pour ce premier opéra réalisé par la Handspring Puppet Company !

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Publié le 2 avril 2019 : http://ruedutheatre.eu/article/4080/le-retour-d-ulysse/

Le Retour d’Ulysse
de Claudio Monteverdi
Opéra
Mise en scène : Handspring Puppet Company

Avec : Alexandre Pradier, Beth Moxon, Henrike Henoch, Beth Taylor, Stephen Mills, Emanuel Heitz, Matthew Buswell, et les marionnettistes : Busi Zokufa, Enrico Wey, Gabriel Marchand, Jonathan Riddleberger, Rachel Leonard
Direction musicale : Philippe Pierlot

Mise en scène et création vidéo : William Kentridge

Scénographie : Adrian Kohler et William Kentridge

Décors, costumes et création des marionnettes : Adrian Kohler

Lumières : Wesley France

Mise en scène pour les reprises : Luc de Wit

Régie générale et vidéo : Kim Gunning

Régie de scène : Herman Sorgeloos

Durée : 1h40
Photo : © Jean-Pierre Maurin