Un tour en mer passionnant


Hissez les voiles matelots, la capitaine Kerguelen vous embarque à bord du Roland à la découverte de « l’Australasie ». Vous foulerez les planches du navire en compagnie de cet équipage plein d’espoir et de rêves… Une mise en scène ingénieuse, une pièce qui révèle la profondeur de la nature humaine, un instant où vous vous laisserez porter par le voyage et l’excitation de l’inconnu.

XVIII ème siècle. Louis XV, assoiffé de nouveaux horizons, place tous ses espoirs en Monsieur Yves de Kerguelen, glorieux conquérant d’une terre méconnue. Il le renvoie vers ce nouveau monde, qu’il pense être le continent austral, afin d’y apposer l’emblème royal. Kerguelen part donc accompagné de sa maîtresse Louison, déguisée en mousse, du maître d’équipage Bienboire, véritable loup de mer, de l’officier Ducheyron, loup des plaisirs en tous genres, et du naturaliste obsessionnel Brugnières. De son côté, le Gros-Ventre, égaré lors de la première expédition, s’enfonce dans ce désert océanique. Son capitaine Le Boisguehenneuc, seul homme à avoir foulé le continent inconnu, sombre dans la démence la plus totale. L’équipage de Kerguelen ne tardera pas à subir le même sort. Après le début du voyage, avec l’euphorie, les espérances, les ambitions de chacun, surviennent l’ennui, la fatigue, la maladie, la famine et les désillusions…

C’est quand la terre apparait que le pire se produit. Le mauvais temps empêche l’abordage pendant des semaines, plongeant l’équipage dans l’attente et dans les vices en tous genres. Louison, délaissée de Kerguelen et démasquée, en paye les frais. Ducheyron et Brugnières partent à l’assaut de ce qui se révèlera être une île sans intérêt. C’est à l’apogée de la crise, pendant que le roi se meurt, qu’une tempête s’abattra sur le Roland. A son retour en France, Kerguelen sera jugé pour le bilan désastreux de sa mission.

Sur les planches du navire se déchaînent les passions.

Cette pièce nous emporte dans les abîmes de l’être humain, à une époque où l’inconnu fait encore rêver les rois et leurs navigateurs. Les personnages se perdent les uns après les autres, entraînant le spectateur dans leur voyage vers nulle part. En France demeure un roi, seul et qui s’ennuie. Atteint par la petite vérole, il voue un véritable culte à cette chasse à la découverte, à la possession de ce territoire vierge. On assiste à la chute de Kerguelen, homme courageux mais finalement incapable d’aller au bout de ses projets et qui se retrouve, comme Le Boisguehenneuc et comme tout homme, face à ses erreurs.

Avec une mise en scène originale, posant un parallèle entre l’expédition de Kerguelen, la cour du roi à Versailles et le no man’s land de Boisguehenneuc, la compagnie Acte6 nous offre un voyage extraordinaire. Parti à l’abordage d’une terre encore inexplorée, on se laisse embarquer dans cette tension grandissante, partageant la vie et les passions de cet équipage à la dérive. On nous offre la folie et l’ambition, mêlées à l’errance et à la perte de soi pour finalement remettre en question le voyage de toute une vie basée sur quelques légendes. Avec un rythme entraînant, un texte débité tel une poésie et des rôles joués magnifiquement, Les Îles Kerguelen méritent d’être foulées par le pied des hommes.

Les Îles Kerguelen
de Alexis Ragouteau
Mise en scène : Frédéric Ozier/acte6
Avec : Emilie Patry, Antoine Cholet, Franck Clément, Benoît Costa, Frédéric Jessua, Aurélien Osinki et Xavier Valoteau.
Scénographie : Neda Loncarevic
Univers sonore : Ludovic Gugliellmazzi
Lumières : Florent Barnaud
Maquillages et perruques : Laura Ozier assistée d’Elodie Martin
Régie : Gilles David, Yann Nedelec
Photo : © Antonia Bozzi

Coproduction : Acte6, Théâtre du Moulin Neuf – Aigle, Suisse.
En coréalisation : Théâtre de la Tempête

Publié le 29 septembre 2009
https://www.ruedutheatre.eu/article/545/les-iles-kerguelen/