Savoir faire illusion



Mélange de tradition et de modernité, la mise en scène ingénieuse de cette pièce mêlant voiles et lumières, donne à l’espace scénique une dimension fantastique et fait entendre la force de cette “Illusion Comique” de Pierre Corneille.

Ecrite au début du XVIIème siècle, cette pièce de Corneille nous conte l’histoire d’un père à la recherche de son fils. Un mage lui montre que son Clindor est bel et bien vivant, au service du capitaine Matamore. Sous ses yeux et ceux du public, la vie de ce jeune homme nous est présentée, toutes ses frasques amoureuses. Il va s’emparer du cœur d’Isabelle, promise à Adraste mais dont Matamore espère aussi les honneurs. Clindor fait aussi la cour à Lyse, la suivante d’Isabelle, qui se vengera du dédain dont il fait preuve en piégeant le couple interdit. Clindor tuera Adraste et finira en prison, avant d’être secouru par ses femmes qu’il trahira encore…

Cela n’aura finalement pas de fin désastreuse, puisque tout ce que l’on voit ici n’est qu’une pièce de théâtre. Le fils chéri est en effet devenu comédien et tout ce que nous a montré le magicien n’est qu’une illusion comique.

Le ridicule de Matamore est hilarant, la naïveté d’Isabelle touchante, la force de Liz impressionnante, et le jeu de Clindor écœurant. Il se joue en effet de son monde, de son maître, de sa maîtresse aveuglément amoureuse, devenant au fur et à mesure un être abject qui conserve cependant un charme diabolique. Son père sera plus choqué d’apprendre qu’il est comédien, que de voir le mal qu’il fait autour de lui.

Le personnage de Matamore apporte une touche de dérision dans cette fable romanesque, poussée jusqu’au burlesque dans cette interprétation. Il est la caricature de la bourgeoisie d’autre fois, un « abrégé de toutes les vertus », collectionnant soit disant les victoires de guerre et les conquêtes amoureuses. Il offre à la pièce une pause dans la montée de la tension dramatique.

Les délices du peuple, et le plaisir des grands

Des costumes intemporels (cravates, baskets, pull de la gendarmerie nationale), des jeux d’ombre, des voiles noirs pour quasi seuls décors, des sons et musiques féériques (des chiens et corbeaux au clair de lune, le bruit de la baguette magique), des projecteurs latéraux donnent à la mise en scène une force considérable, tout en conservant une ingénieuse simplicité.

La scène est en effet divisée par de grands rideaux transparents, qui jouent tour à tour de murs invisibles, de portes de prison, ou de séparation avec l’avant scène. Sans lumière à l’arrière, ces panneaux deviennent en effet opaques, offrant de multiples possibilités de jeu. Le magicien peut faire apparaitre ou disparaitre les comédiens, arrêter les images, puis redémarrer pour l’acte suivant. Le jeu des comédiens est impressionnant de réalisme et de qualité dans la diction. Les rimes en vers passent facilement, malgré les quelques longues tirades. Trahisons, mensonges, pièges, jalousies, fuites et jeux d’amour sont tous représentés avec une agréable justesse.

L’illusion comique
de Pierre Corneille
Mise en scène : Elisabeth Chailloux
Avec : Raphaèle Bouchard, Frédéric Cherboeuf, Etienne Coquereau, Jean-Charles Delaume, Malik Faraoun, François Lequesne, Adrien Michaux, Lara Suyeux
Scénographie, lumière : Yves Collet
Costumes : Agostino Cavalca assisté de Dominique Richer e Isabelle Gontard
Images de scène : Michaël Dusautoy et Yves Collet
Son : Anita Praz
Masques et maquillages : Nathalie Casaert
Assistante scénographie : Perrine Leclere-Bailly
Assistant lumière : Nicolas Batz
Durée : 2h
Photo : © Bellamy

Publié le 24 novembre 2009
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